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La littérature-monde en français et la mort de la francophonie

Depuis le début de cette année, je suis inscrite dans un cours postuniversitaire de perfectionnement en Enseignement de Français (curso de pós-graduação em Ensino de Francês) au Colégio Pedro II. Et voilà que dans le cadre de la discipline Littératures francophones : déplacements et identités, le prof nous a fait discuter à propos du manifeste "Pour une 'littérature-monde' en français". Bien que je connaissais déjà ce manifeste, je ne l'avais jamais exploré sous l'angle de l'enseignement du français...

Ça a été une très bonne discussion et c'est pourquoi ça m'a donné envie de parler et présenter ce manifeste sur le blog de Pot-Pourri.



C'est quoi ce manifeste "Pour une 'littérature-monde' en français" ?

Ce manifeste littéraire publié par le journal Le Monde le 15 mars 2007 a été signé par 44 auteurs de langue française, dont Alain Mabanckou, Dany Laferrière, Wajdi Mouawad et Maryse Condé. Ils y défendaient le concept de littérature-monde en opposition à celui de littérature francophone.

Les signataires affirment que, de nos jours, une grande partie de la littérature écrite en français provient d'auteurs qui ne sont pas nécessairement français et qui ne se situent plus dans ce "centre de référence" qu'est la France. Pour eux, les auteurs qui forment aujourd'hui la littérature en français viennent des quatre coins du monde - et non seulement de la France ou des pays/territoires officiellement francophones. Ces auteurs, très reconnus par les prix littéraires français, jouent un rôle central dans la construction des cultures de la langue française. C'est donc ces auteurs qui devraient prendre en main l'écriture de la littérature en français. Ils font donc appel à une littérature ouverte sur le monde, transcendant les frontières géographiques et culturelles :

[...] le centre, ce point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française n’est plus le centre. Le centre jusqu’ici, même si de moins en moins, avait eu cette capacité d’absorption qui contraignait les auteurs venus d’ailleurs à se dépouiller de leurs bagages avant de se fondre dans le creuset de la langue et de son histoire nationale : le centre, nous disent les prix d’automne, est désormais partout, aux quatre coins du monde. Fin de la francophonie. Et naissance d’une littérature-monde en français.

Comme nous l'avons vu dans un autre texte du blog, l'auteur congolais Alain Mabanckou, qui est un des signataires, se positionne toujours contre la francophonie venue de la France. En effet, le terme "francophonie", qui vise à inclure la diversité linguistique et culturelle du français, est utilisé par la France comme une prolongation de sa politique extérieure, favorisant ainsi la dépendance économique et culturelle des anciennes colonies, par exemple. Il y a d'ailleurs un texte excellent qui parle un peu plus sur cette problématique : La francophonie, un dispositif néocolonial, de l'historien Khadim Ndiaye. Je vous le recommande.

Ce manifeste propose alors une vision d'une littérature qui embrasse la diversité des voix et des perspectives interculturelles, puisque la littérature dite franco-française a toujours refusé ça. Et ces auteurs, eux, refusent justement une littérature "neutre", "universelle" et sans référents culturels :

Le monde revient. Et c’est la meilleure des nouvelles. N’aura-t-il pas été longtemps le grand absent de la littérature française ? Le monde, le sujet, le sens, l’histoire, le « référent » : pendant des décennies ils auront été mis « entre parenthèses » par les maîtres penseurs, inventeurs d’une littérature sans autre objet qu’elle-même, faisant, comme il se disait alors « sa propre critique dans le mouvement même de son énonciation ».

En conclusion, ce manifeste encouragerait les écrivains à explorer des formes narratives globales tout en valorisant les particularités locales, afin de promouvoir une compréhension mutuelle et une richesse culturelle partagées en langue française. Politiquement, le terme "francophone" ne rendrait pas compte de cette littérature. Ce serait alors le moment de révolutionner ce domaine :

Soyons clairs : l’émergence d’une littérature-monde en langue française consciemment affirmée, ouverte sur le monde, transnationale, signe l’acte de décès de la francophonie. Personne ne parle le francophone, ni n’écrit en francophone. La francophonie est de la lumière d’étoile morte. Comment le monde pourrait-il se sentir concerné par la langue d’un pays virtuel ? Or c’est le monde qui s’est invité aux banquets des prix d’automne. À quoi nous comprenons que les temps sont prêts pour cette révolution.

Et alors, qu'est-ce que vous en pensez ?



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